Train Fyra : les critiques sont-elles justifiées ?

L’analyse de Mediarail.be - Technicien signalisation 
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Avec plus de trois ans de retard – on en parlait déjà en 2009 – le nouveau train Fyra pourrait apparaître sur les rails belges dans le courant du quatrième trimestre, en mode mineur. Une première liaison de 8 trains quotidiens serait en effet mise en service au mois de septembre 2012 uniquement entre Anvers et Breda. Fyra ? C’est le nom donné par la filiale des chemins de fer néerlandais - NS-Highspeed - à son nouveau service TGV. Entre septembre et décembre 2009, une ligne à grande vitesse fût mise en service entre la frontière belge et Schiphol, au sud d’Amsterdam, interrompue à la traversée de Rotterdam-Centraal. Cette nouvelle ligne à grande vitesse conçue pour 300 km/h fait partie du réseau à grande vitesse européen mais permet aussi aux NS de l’intégrer dans le service des trains intérieurs, particulièrement entre Amsterdam et Breda, comme le montre la carte ci-contre. La nouvelle société Fyra est donc mandatée pour l’exploitation de ces nouveaux trains Inter-City, en ce inclus une liaison internationale avec Anvers et Bruxelles, en concurrence directe avec le Thalys. C’est sur ce point que s’est cristallisée la polémique sur ce qui s’appelle le « train Benelux ». Ce dernier, qui relie toutes les heures Amsterdam à Bruxelles depuis 1957, n’était rien d’autre qu’un collage – à la frontière - de deux services inter-city belges et néerlandais, donnant ainsi l’illusion d’un service international cadencé. 


Le train « Benelux » circule depuis 1957. Il fut renouvelé en 1986-88 par de nouvelles locomotives série 11 SNCB et des voitures IC-III des NS, ici à Roosendaal (photo Mauritsvinkvia Wikipedia)

Dans la pratique, les voitures étaient fournies par les NS et la traction par la SNCB avec notre série 11 (photo ci-contre), la conduite étant interchangée selon le cas à Roosendaal ou carrément à Bruxelles. C’est ce train qui passera à la trappe dès l’arrivée de Fyra car il est exclus de doubler ces deux services au vu des trafics actuels.

Des TRAXX FMS-140 au logo Fyra ont un moment fréquenté Bruxelles, avant d’être remplacées par des TRAXX série 28 de la SNCB  (photoJustin Buckley via Wikipedia)
 
Les associations Rover et TreinTramBus bataillent ainsi depuis 2011 sur le maintien du Benelux actuel et fustigent le futur Fyra sans encore l’avoir emprunté. Des craintes sont émises sur les tarifs, sur la non-desserte de Roosendaal et Dordrecht, mais surtout sur l’obligation de réserver. Ce dernier point suscite la critique généralisée des partis de gauche, en particulier de Groen, qui voient dans la réservation une sorte de « train chic » pour une clientèle donnée mais surtout une entorse au « train pour tous en libre accès ». Est-ce à dire que le train Benelux était réservé aux « publics non chics » ? La polémique des réservations obligatoires n’est pas propre au nord du pays et se retrouve partout sur le réseau ferroviaire européen. En marge à la mise en service du Fyra, des critiques peuvent aussi être émises en réponse aux  tenants du train libre accès. Enumération :

1) Il fut souvent constaté de grosses foules lors de périodes de pointe et des gens devaient voyager debout faute de place. Or on ne rallonge pas un train un beau matin parce que 500 personnes ont « librement » décidé de se déplacer le même jour, dans le même train ! La réservation obligatoire permet ainsi de mesurer, de contenir et de prévoir une éventuelle foule et de dédoubler à l’avance une composition de train car aux chemins de fer, il faut prévoir, pas improviser.
2) Les tenants du train « libre accès » sont les premiers à réclamer l’égalité de traitement pour tous. Or que dire de l’équité sociale dès l’instant où dans le cadre d’un accès libre, les premiers arrivés seront les premiers servis en places assises et…tant pis pour les autres. Cela revient à punir le voyageur prévoyant et discipliné qui aurait sagement réservé un mois à l’avance.
3) Il est piquant de constater que ce même public n’étaye aucune critique à l’égard des concerts rock ou du secteur aérien, autrement plus sévère que le rail en ce qui concerne les réservations obligatoires et les fortes limitations au volume des bagages. Faut-il croire que petit prix low-cost rend acceptable les contraintes les plus fortes ? Il y aurait donc deux poids deux mesures.
4) La tarification différenciée en fonction de la date de réservation est une pratique indiscutée du monde aérien, à commencer par Ryannair et Easy Jet. Ces « low-cost » peuvent parfois quémander 300 euros l’aller-simple si on désire bénéficier de leur service en dernière minute. On peut dès lors trouver suspect les critiques émises sur le même système – bien moins cher - pratiqué aux chemins de fer dès l’instant où celui qui réserve a forcément droit à sa place, ce qui n’est que justice mais agacerait curieusement certains.
5) Enfin, et ce n’est pas une nouveauté, la gestion en coopérative d’un service de train au niveau international permet de passer outre la fameuse barrière tarifaire nationale. En effet, les lois du commerce au niveau ferroviaire ne permettent de vendre des tickets que de gare à gare. Il y a donc toujours un hiatus entre deux gares frontières, « non couvert » par aucune politique commerciale (Go-Pass et assimilé). C’est la raison d’être de la formelle convention CIV (1) qui régit les transports internationaux en dépit de l’Europe sans frontières, et qui s’applique de manière abrupte au train Benelux avec des tarifs passe-frontière particulièrement anti-commerciaux. Les sociétés coopératives (scrl en droit belge) permettent de transcender ce problème et de promouvoir des tarifs à la fois en rapport avec le prix de revient et avec l’attractivité du marché, comme le fait n’importe quel transporteur. 

Concues par Ansaldo Breda, les nouvelles rames Fyra peuvent atteindre 250 km/h. Une rame ici en test de passage à Vught (NL) (photoMauritsvink via Wikipedia)

S’il y aurait des critiques, c’est avant tout à l’égard de l’immense retard accumulé par Ansaldo Breda, le constructeur des nouvelles rames, dont quatre exemplaires vont garnir le parc de la SNCB. Nul doute qu’une fois mis en place, le Fyra aura ses supporters tout comme il pourra, au fil des ans, s’adapter aux lois de la demande. Mais il faut toujours quelques années pour parvenir à l’optimum.

Vos commentaires sur mediarail@hotmail.com

1) Le rôle le plus important de cet organisme est d'établir un régime de droit uniforme applicable aux transports des voyageurs et des bagages en trafic international directe entre les Etats membres empruntant des lignes ferroviaires ainsi que de faciliter l'exécution et le développement de ce régime. (voir ici pour les détails juridiques)


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