Fyra : la foire totale...
L'analyse de Mediarail.be - Technicien signalisation (Mise à jour le 02 juin 2013)
A voir en bas : lien vers les photos des dégâts.

Article similaire : 
le rapport de la Commission d'enquête néerlandaise d'octobre 2015

Une apparition sur deux ! (ph Mediarail.be)
Plus de sentimentalisme ni d'optimisme : le Fyra néérlandais est une foire totale et une injure au monde ferroviaire ! Il faut bien-sûr d'emblée distinguer le service Fyra et le matériel utilisé pour ce service. Or c'est clairement ce matériel qui est mis en cause au point que ce vendredi 18 janvier, le Service de Sécurité et d'Interopérabilité des Chemins de Fer (SSCIF - belge) a interdit toute circulation commerciale du Fyra jusqu'à nouvel ordre, sauf test, sur le réseau Infrabel. La raison vient de la constatation d'un réel disfonctionnement des rames AnsaldoBreda V250 dont on sait qu'elles seront les seules à être produites dans le monde, la firme italienne ayant arrêté la construction de ce train depuis un bon bout de temps. Qui plus est, une tôle d'un bas de caisse a été retrouvée le long d'une des lignes belges empruntées par le maudit V250. La goutte qui fit déborder le vase...



Depuis 1957, un partage à l'amiable voulait que la SNCB fournisse la traction et les néérlandais les voitures. Pour cette troisième période du train Benelux, les hollandais ont en solo imposé leur nouveau train, croyant faire une bonne affaire avec ce pseudo TGV "pas cher" et voulant démontrer la faisabilité de la grande vitesse à bas prix pour tous. Au point qu'il avait été baptisé "Aldi trein" (train Aldi) par les clients du Benelux. Dans ce mauvais monopoly, la SNCB n'est que partenaire et devait recevoir trois rames dans son escarcelle.

Mais le plus édifiant est que NS Hispeed, filiale du service public hollandais NS Groep, n'a pas été capable de lancer un service digne comme a pu le faire le privé italien NTV Italo, qui a atteint les 2 millions de voyageurs en 8 mois et affiche une bonne qualité de service. Un très mauvais message qui démontre que le choix d'un produit mal foutu peut produire la pire des galères. Comme le rappelle les médias néérlandophones, l'axe Benelux est aussi celui d'une clientèle similaire à celle des low-costs : elle cherche du pas chic et du pas cher et préfère le train sans chichi, quitte à mettre 3 heures d'Amsterdam à Bruxelles. Certes l'ancien Benelux ne couvrait pas ces coûts et le contribuable était prié de combler les tarifs sociaux (Inter Rail...). Mais des exemples d'ailleurs démontrent qu'on peut renouveler le marketing et offrir des prix attractifs tout en prêtant attention à la technique, et donc à la maîtrise des coûts. C'est sur  ce terrain là, plus que tout autre, que la leçon néérlandaise devra être apprise. Et si la grande vitesse doit être réservée à une clientèle moins baba-cool, alors pourquoi ne pas intensifier le Thalys ou, qui sait, un futur concurrent ?

Thalys vs Fyra : l'un est chic, l'autre est "light" (cliquer pour agrandir - photo Bert Hollander -Flickr)
Depuis la mi-janvier, l'accumulation des mauvaises nouvelles a retenti jusque dans les conseils municipaux. Evincé du train, la ville de La Haye a entreprit selon la presse locale, de s'adresser à ProRail, le gestionnaire néérlandais, dans le but d'obtenir des sillons disponibles à une navette La Haye-Anvers-Bruxelles. Et elle compte demander à sept concurrents (!!) un projet de desserte pour un tel service. Si le dossier avance, ce serait une première en Europe, les villes touchées étant par ailleurs elles-même intéressées. Nul ne sait comment cela serait payé, si le projet abouti.

Toujours est-il que les belles engueulades de novembre 2012 de la Ministre néérlandaise des Transports à l'égard de son collègue belge retourne comme un boomerang outre-Moerdijk. On aura droit aussi à la cohorte de caliméros fustigeant les dérives et bien-sûr, l'Europe. Or cette dernière n'a rien à voir dans un défaut de logiciel ou de fermetures de portes, et nul doute qu'un vrai service public aurait commis la même bourde avec le même aveuglement. Europe ou pas, privatisation ou pas, scission ou intégration, l'industrie, elle, ne propose que ce qu'elle a sur son catalogue. Et ca, les tenants du chemin de fer de bon-papa n'y changeront rien...

En attendant, la petite liaison omnibus Anvers-Roosendaal n'a jamais été aussi animée ! Du grain à moudre à tous les opposants du Fyra qui réclament le retour de l'ancêtre et la restauration du service de 1957. Et le tout arrivant au moment même où les structures de la SNCB sont revues et corrigées. Dare-dare, il fût mis sur pied huit liaisons quotidiennes entre La Haye (Den Haag) et Bruxelles, avec le retour des Traxx relouées et des voitures ICRm.

Le 31 mai 2013, le conseil d'administration de la SNCB décida de faire rompre le contrat pour les rames belges, enterrant définitivement le projet néerlandais. Avec ses trams suédois et ses IC4 danois en rade, il devient clair qu'Ansaldo Breda demeure le pire exemple du renouveau ferroviaire. Ca tombe politiquement très mal en cette période de doute de l'Europe et de remise en cause de la gouvernance ferroviaire actuelle. Un industriel qui donne du grain à moudre aux opposants de la libéralisation, cela ne c'était encore jamais vu. Merci qui ?

Les photos des dégâts... (Le Soir Belgique)

A voir : la très brève histoire du Fyra, aux Pays-Bas